Les journées d’été du revenu de base se sont déroulées cet été à Poisy près d’Annecy du 19 au 22 Août 2015. Elles ont été une occasion de remettre sur la table l’idée d’un revenu de base universel et inconditionnel comme un élément indispensable de la sortie de la crise du capitalisme telle que nous la vivons aujourd’hui avec les conséquences sociales et environnementales que nous connaissons.
Précisons cette idée de revenu de base : c’est un revenu accordé à tous les individus pendant toute la vie et de manière inconditionnelle. Ce revenu doit être suffisant pour permettre à l’individu, si il le désire de vivre sans travailler. (lien)
Cette idée qui paraissait encore utopique il y a quelques années devient maintenant une solution incontournable pour palier aux défis économiques et environnementaux que nous rencontrons désormais ; défis environnementaux qui vont s’amplifier dans les années à venir!

En effet, notre économie est basée sur l’idée d’une croissance économique perpétuelle. Cette croissance a pour but de créer des nouveaux emplois pour palier ceux qui ont été détruits par le développement de la mécanisation, de la robotique et par internet.
Cependant, ce schéma ne fonctionne plus depuis quelques années à cause de deux facteurs. Premièrement la croissance n’est pas suffisante pour absorber les emplois détruits par l’augmentation de la mécanisation. En effet, une croissance de 1,7% est nécessaire pour remplacer les emplois détruits alors qu’on attend péniblement un taux de 0,1 à 0,7%.(lien)
Il faut bien comprendre que tout est mis en œuvre pour développer cette croissance. Les lois environnementales restrictives ont été bannis aussi bien par les gouvernement de droite que ceux du gouvernement Hollande. Et là, on est en face d’un autre problème : celui là environnemental avec non seulement le médiatique réchauffement climatique, mais aussi tous les autres problèmes que je ne décrirai pas, mais dont la conséquence à plus ou moins court terme sera une épidémie de cancer et autres maladies (qui a déjà commencé).
Deuxièmement, nous assistons aussi au développement d’une robotisation bon marché avec une arrivée de nouvelles machines et de nouveaux robots remplaçant de plus en plus d’employés. Ce phénomène est aisément vérifiable si on regarde les péages d’autoroute ou si on va dans quelques chaines de magasins de sport ou d’alimentation rapide. Les machines sont de plus en plus nombreuses chaque année. Avec des chiffres d’affaire qui grosso-modo stagnent, la robotisation est une façon d’augmenter la rentabilité de ces enseignes en baissant la charge de personnel. N’oublions pas qu’une machine peut travailler tous les jours, qu’elle n’a pas besoin de se reposer, qu’elle n’a pas besoin de pause, qu’elle n’a pas de charge pour sa retraite, sa maladie et son chômage. Elle n’a aussi pas de revendication salariale et n’est pas syndiquée. En plus, son coût est seulement calculé dans son amortissement ce qui fait qu’ auprès des actionnaires, c’est plus facile de mettre un budget dans les machines plutôt que dans le personnel même si quelquefois ces machines sont encore cher (cependant le cout des robots baisse). Les médias ont en effet diabolisé les coûts de personnel.Cela a évidemment des conséquences sur la vie des gens puisque jusqu’à maintenant, nous sommes obligés de travailler pour se nourrir (le revenu de base n’est pas encore mis en place).
Mal être au travail, travail inutile ..le schisme entre le travail rémunéré et l’activité utile .
Ces conséquences sont de deux ordres : une casse du social et des droits du travail puis un mal être généralisé au travail (on est de moins en moins indispensable …).
Cela est renforcé par l’idéologie judéo-chrétienne dans laquelle nous sommes baignés : « Qui ne travail pas ne mérite pas de manger « (St Paul) idéologie qui stigmatise tout « ‘inaction » en jugeant les « chômeurs » et en les culpabilisant systématiquement. Cela met évidemment de coté toutes les activités bénévoles ou pas assez rentables pour assurer un salaire indifféremment de leur utilité ou pas.
Cela nous fait rebondir sur l’utilité de certains emplois. Le sociologue et anthropologue David Graeber avait pointé justement dans son article « Bullshit jobs » le nombre d’emplois dans le tertiaire qui ne servaient à rien (lien). De leur coté, la coordination contre le Lyon Turin et le mouvement no tav en Italie se sont aperçu de l’inutilité de grandes infrastructures que l’on construisait ou qui était construite. Cela a abouti à la création du « forum contre les grands projets inutiles » qui recensent chaque années de plus en plus de projets inutiles. (lien)
Si on prend l’exemple de l’aéroport notre dame des Landes, les opposants au projets ont non seulement mis en avant l’inutilité du projet mais aussi les conséquences néfastes de ce projet sur l’environnement. Les opposants aux grands projets inutiles ont aussi démontré que l’argument des emplois créés était annihilé du fait de l’utilisation de plus en plus systématique d’outils et de machines remplaçant la main d’œuvre humaine et en parallèle une main d’œuvre extra-européenne qui n’a aucune protection sociale. De ce fait, il n’est pas étonnant que les prévisions d’emploi étaient divisées par 10 par rapport à ce qui était annoncé par les promoteurs de ces chantiers.
Il est aussi important de mentionner le secteur du bâtiment dont le but ultime est la spéculation. Spéculation qui ne l’oublions pas à conduit à une offre trop importante et à la crise des subprimes (je le fais court). Cependant cette offre importante n’a pas résolu le problème du mal logement ou du logement social ; au contraire, à chaque plan de réhabilitation de logements sociaux (destruction de barres d’immeubles et construction de plus petits modules avec un standing supérieur), on s’est aperçu que la classe la plus pauvre se trouvait exclu, donc perdait son logement et venait gonfler ceux qui n’arrivent pas à se loger décemment.
N’oublions pas que l’immobilier est aussi responsable de la perte et destruction d’une grande partie des terres agricoles et naturelles et que cette destruction ne se justifie donc pas.
Donc nous voyons que l’association travail rémunéré et activité utile est loin d’être automatique. Que celui qui reste chez lui peut être infiniment plus « utile » à la fois à la société, à l’économie et à l’environnement que celui qui fait un des travails rémunérés inutiles cités précédemment.
Cela nous amène à la question suivante : quel est le but d’augmenter le PIB ? celui de créer de nouveaux travaux mais pour quoi faire ? Le PIB comme indicateur est lui-même sujet à des contestations. Comme le dit Pierre Rhabi, « polluer une rivière pour qu’une entreprise la nettoie ensuite va augmenter le PIB », pourtant le résultat est nul(voir négatif car on ne dépollue pas définitivement un site). Le PIB n’a aussi aucun rapport avec notre bonheur. On peut mesurer celui-ci avec la quantité de drogue qui est consommée chaque année par la population, qu’elle soit légale (alcool, cigarettes, antidépresseurs, somnifères, etc…) ou illégale. La société centrée autour de cette valeur travail est donc triste et dépressive.(lien)
Le revenu de base permet donc de penser une autre société où l’activité est déconnectée de l’actuelle valeur Travail mortifère. Même dans le cas ou le revenu de base est associé au travail, il permet un meilleurs rapport de force du salarié et renforce sa confiance donc son épanouissement.
Déconnecter le revenu de l’activité permet aussi de changer la nature et la forme des projets. Actuellement, plus un projet est cher, plus on gagne de l’argent. Je prends par exemple un projet de parc paysager. Il est évident pour l’architecte comme pour l’entrepreneur que plus il y aura des travaux à faire (mur de soutènement, bétons, terre déplacée, mobiliers urbains), plus le projet sera vendu cher, plus ceux-ci gagneront de l’argent. Un projet simple de tiers paysage (lien) ou de jardin en mouvement (lien) sans l’utilisation de la pelleteuse, sans l’utilisation de bétons, en utilisant la flore endémique et sans mouvement de terre entraine l’architecte et plus encore l’entrepreneur à être pauvre. Pourtant ce dernier projet est bien plus écologique que le premier. Il est moins gourmant en CO2, en énergie grise ; il respecte la flore naturelle beaucoup plus riche en insectes auxiliaires et respecte les écosystèmes en place. Et c’est un exemple parmi d’autres.
Une transition de la société passera donc par la mise en place d’un revenu de base qui déconnectera le revenu de l’activité. Il permettra une décroissance souhaitable de ce que j’appelle » l’économie de l’inutile » tout en protégeant ceux qui n’auront plus d’activité lucrative.
Quelles sont les « activités utiles » non lucratives qui vont se développer? Pour cela je fais confiance à votre imagination. Je donne cependant deux pistes : Les personnes qui ont développé la permaculture ont elles été des salariés des entreprises agro alimentaires ou phytosanitaires comme Monsantos et compagnie ? Est ce que les « trouveurs » qui ont développé les énergies renouvelables l’on fait pour le lucre ou l’ont il fait pour démontrer qu’il y avait une alternative au nucléaire ?
« le revenu de base c’est la marche suivante dans la lutte pour une meilleurs équité sociale »
A ceux qui pensent toujours que la mise en œuvre d’un revenu de base est utopiste je les renvoie à ce qui existe déjà (acquis sociaux) et aussi à l’histoire. Nous ne partons pas de rien puisque nous bénéficions déjà d’un matelas de protection sociale avec tout un panel d’allocations (chômage, vieillesse, maladie, etc) et que le chemin à parcourir n’est pas si grand que cela (techniquement et financièrement bien sûr). La difficulté n’est donc pas technique mais culturelle. L‘histoire nous montre que la mise en place de droits sociaux n’a pas été conditionné à une prospérité économique. Les congés payés ont été mis en place pendant la crise économique qui a succédé au crack boursier de 1929 et la sécurité sociale, elle, a vu le jour après la deuxième guerre mondiale alors que la France était à genou économiquement parlant.
Donc loin d’être une utopie, le revenu de base en plus d’être un outil face au défis économiques et environnementaux qui nous attendent, il est aussi la marche suivante dans la lutte pour une meilleure équité sociale
Emmanuel Coux
