
Le Bugey est un pays très étendu et divers. Géographiquement, il est lié au massif montagneux du Jura avec ses massifs calcaires et au Rhône . Son relief est donc composé de synclinaux et d’anticlinaux qui compartimentent cette région en sous ensembles.
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Nous trouvons ainsi plusieurs entités géographiques. Tous d’abord le bas Bugey avec Belley qui est le lieu où le climat est le plus doux. Nous avons aussi en continuant vers le nord, la vallée du haut Rhône jurassien et la Michaille. Plus à l’Ouest, le Valromey, suivi du plateau d’Hautevilles. Enfin, le nord du Bugey est caractérisé par la cluse de Nantua et la vallée de l’Oignin.
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Historiquement, le Bugey fut une terre tampon entre les Allobroges et les Séquannes. Selon Pierre Duparc, il formait le sud de la province romaine de « Sapaudia », province Séquane qui comprenait une grande partie de l’arc Jurassien puisqu’elle allait au moins jusqu’à Yverdon.
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La Sapaudia et le royaume Burgonde :
C’est en Sapaudia que furent installés sous l’empereur Valentinien III en 443 par le général Aetius, les Burgondes qui formèrent un royaume autonome de l’empire romain. Ceux ci eurent pour capitale Genève, puis Lyon quand le royaume s’agrandie.
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La Sapaudia abrita les principaux monastères lériniens (Saint Claude et Saint Rambert). Ils contribuèrent à la conversion au catholicisme des Burgondes et à la création de l’abbaye de Saint Maurice d’Agaune en Valais ( centre spirituel du royaume de Bourgogne et plus tard, de l’état de Savoie), lieu du martyre de St Maurice et de la légion thébaine.
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Cependant la Sapaudia n’a pas encore d’évêque et son territoire fut partagé entre le diocèse de Lyon, avec la figure d’Eucher, ancien moine de Lérins et celui de Genève avec l’évêque Salonius, fils d’Eucher. Ces évêques issus de Lérins contribueront fortement au récit hagiographique de Saint Maurice et donc à la diffusion de la pensée Lérinienne.
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L’évêché de Belley :
Avec le martyre du roi Sigismond, fondateur de l’abbaye St Maurice d’Agaune, la royauté Burgonde se trouve sacralisée. Les reliques des thébains deviennent protectrices de la famille royale burgonde ou Bourguignonne.
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En 534, loin de mettre fin au royaume Burgonde, la conquête franque fut à l’origine d’un nouveau royaume de Bourgogne. C’est d’ailleurs en 540 que le terme « Burgundia » est employé pour la première fois. Et les rois francs de Bourgogne prendront des noms Burgondes et s’identifieront avec l’ancienne monarchie burgonde.
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En 577, nous avons la première mention de l’évêché de Belley, qui est fait selon Pierre Duparc sur le reliquat de l’ancienne province de Sapaudia. Ce serait pourquoi l’évêché de Belley dépend de la métropole bisontine, la cité des Séquanes.
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Forte de ses origines romaines, l’aristocratie du Royaume de Bourgogne imposera rapidement à la royauté mérovingienne un partage de l’autorité politique. Au début du 8e siècle, cette aristocratie était même parvenue à se libérer totalement de la tutelle royale.
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La dynastie carolingienne changera radicalement la donne. Charles martel écrasera définitivement l’aristocratie Bourguignonne qui s’était alliée aux arabes pour lutter contre les Austrasiens. La Bourgogne disparue donc jusqu’en 855 où elle fut ressuscitée pour Charles de Provence.
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Le second royaume de Bourgogne :
Cependant, le pouvoir échu a un grand, Girard de Vienne, qui finit par rentrer en conflit avec le pouvoir carolingien en place. Son remplaçant Boson fit de même et est élu « Roi » à l’assemblée de Mantaille en 877 par les grands de Bourgogne. Vienne devient la capitale de ce royaume et retrouve une certaine grandeur, surtout depuis qu’elle a les reliques de la tête de Saint Maurice.
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En 888, c’est le duc de l’Ultrajuram Rodolphe qui prend le pouvoir à Saint Maurice d’Agaune. Il y aura donc jusqu’en 926 deux royaumes de Bourgogne avant qu’ils soient réunit sous la houlette de Rodolphe II. Le diocèse de Belley naviguera entre ces deux royaumes puisqu’il se situe à leurs limites respectives.
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Le Saint Empire romain Germanique :
En 1032, l’empereur du saint empire devient roi de Bourgogne, et le royaume d’Arles (autre nom pour le royaume de Bourgogne) suivra la destinée de l’empire. Cependant, l’essentiel du pouvoir sera tenu par les archevêques de Vienne et de Lyon.
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De grandes seigneuries laïcs émergeront au dépend d’un pouvoir central absent comme les Guigues en dauphiné ou les Humertiens dans le diocèse de Belley qui sont à l’origine de la maison de Savoie.
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Mais, l’évêque de Belley est le seigneur de cette ville. Cependant dans les fait, il est fortement soumis au comte de Savoie. Seul, St Anthelme profitera des faveurs de l’empereur Frédéric 1er pour s’émanciper. Mais il se fera blâmer par le pape, alors en lutte contre l’empereur. Le comte Humbert III allié au pape est lui aussi en guerre ouverte contre l’empereur.
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L’essor des ordres érémitiques va confirmer le rôle de « refuge spirituel » qui a été assigné à cette région 7 siècles plus tôt par les moines Lériniens. Les monastères vont quadriller le territoire et représenter une force politique. Ce sont les abbayes cisterciennes de Saint Sulpice, de Bons, ainsi que les Chartreuses d’Arvière, de Meyria, de Porte qui vont s’ajouter aux vieux monastères déjà en place.
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La Savoie :
Le Bugey participe donc à la construction de l’état de Savoie qui prend la succession d’un royaume de Bourgogne. Ce dernier est de moins en moins compréhensible. Surtout après l’annexion de Lyon (1312) et du Dauphiné (1349) à la couronne française, et après le passage de la Provence aux mains du roi d’Aragon, puis à celui de Naples. Sans parler de l’église, qui y trouve un terrain ultra favorable pour contrer l’empire ou le royaume de France.
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L’église y établira le système des primats (Lyon pour la Gaule et Vienne pour les 7 provinces) pour faciliter la réforme grégorienne. Puis c’est à Lyon et à Vienne que se déroulerons les conciles universelles de 1245, 1274 et 1311. Enfin, Avignon deviendra le lieu de la cour pontificale.
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A l’image de la France et de l’Angleterre, l’état savoyard se structure administrativement. Le Bugey devient donc un Baillage qui comprend plusieurs châtellenies (actuels cantons) dont Hautevilles Lompnes où l’on peut encore voire le château (actuel château d’Angeville)
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Les évêques de Belley sont souvent des créatures du comte puis duc de Savoie. Elles cumulent souvent des bénéfices comme Jean de Varax qui est aussi abbé de Saint Michel de la Cluse en Piémont.(C’est lui qui refait l’abside de la cathédrale de Belley-voir photo ci dessus)
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Un évènement important est la fondation de la chartreuse de Pierre Chatel dans le château du même nom ( 1362 ). Ce sera le lieu de réunion de l’ordre équestre du collier (qui deviendra plus tard l’ordre des chevaliers de l’Annonciade). Cet ordre est une distinction qui récompense les meilleurs serviteurs de l’état de Savoie
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Le Bugey abritera aussi un nombre important d’hommes illustres : Nous citerons le Chancelier Bolomier qui servira le duc Amédée VIII. Il contribuera à faire de la Savoie une puissance importante au sein de l’Europe. Et aussi Louis d’Allemand, archevêque d’Arles qui fut le principal acteur du concile de Bâle (1431-1449).
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L’après Savoie
Cependant, la Savoie allait faire les frais de la puissance de la France et des guerres de religions. Elle fut une première fois envahi en 1536 par les français et les Suisses. La guerre repris entre le duc Charles Emmanuel 1er et la France. Le Bugey fut dévasté par les troupes de Biron qui rasa une grande partie des châteaux. Pour mettre fin à cette guerre, un traité fut signé. Et la couronne française annexa la Bresse et le Bugey au 17e siècle.
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Ces provinces qui étaient auparavant choyées par le duc de Savoie ne devinrent que des rentrées fiscales supplémentaires pour le roi de France qui alourdi le poids de l’Impôt.
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Le tracé de la route qui reliait la France à l’Italie fut déplacé au sud vers l’actuel Isère et vers Lyon. L’économie périclita et les habitants souhaitèrent le retour dans le duché de Savoie. Retour impossible car la Savoie n’était pas de taille à faire une offensive contre la France.
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La survie économique n’exista que du fait de l’intelligence des Bugistes. L’artisanat se développa pendant les longs mois d’hivers ainsi que parallèlement, la contrebande (Mandrin). Le sursaut économique vint de la construction de la voie ferrée juste avant 1860.
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La France alors refusa que la liaison vers Genève passe par le sillon Alpin – la Savoie n’étant alors pas encore française – Au lieu de prendre le tracé traditionnel par Lyon et pont de beauvoisin, on fit passer la ligne par la cluse des hôpitaux avec comme jonction avec la ligne Victor Emmanuel, Culoz. La liaison vers Genève se fit par la Rive droite du Rhône.
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De nombreuses industries se développèrent près de la voie ferrée mais aussi les villes de Culoz, Bellegardes et Ambérieu qui devinrent des nœuds ferroviaires.
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Ces dernières années enfin, le Bugey a bénéficié de l’attractivité économique de la Savoie et de l’agglomération franco-valdo genevoise en plein essor.
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Bibliographie :
Pierre Duparc : la Sapaudia : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1958_num_102_4_10964
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Laurent Ripart : le royaume Burgonde et le royaume de bourgogne 443-1032 http://www.sabaudia.org/3151-la-savoie-burgonde-443-a-1032.htm
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Justin Favrod : les Burgondes, un royaume oublié au cœur de l’Europe :
http://crm.revues.org/265
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François Ignace Dunod de Charnage : Histoire des séquanois et de la province séquanoise
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k298503f
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Université de Savoie : le royaume de bourgogne autours de l’an mil
http://cem.revues.org/11188
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http://emmanuelcoux.over-blog.com/article-le-royaume-de-bourgogne-un-royaume-oublie-au-coeur-de-l-europe-123245430.html
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Philippe Sénac : les carolingiens et Al Andalus
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Nathanael Nimmegeers : évêques entre Bourgogne et Provence (province de Vienne Ve-XIe siècle)
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Paul Fournier : le royaume d’Arles et de Vienne (1138-1378)
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Leguay, Brondy, Demotz : la Savoie de l’an mil à la réforme
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Marie José : La maison de Savoie : Amédée VIII
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Louis Trenard : Saint Anthelme, Chartreux et évêque de Belley (1178-1978)
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Catalogue : « des Burgondes à Bayard », mille ans de moyen âge
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Paul Cattin : mille ans d’art religieux dans l’Ain.
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Bugey Historique : contrebande du sel dans le Bugey au 18e siècle :
http://bugey-historique.blogspot.fr/2013/09/la-contrebande-du-sel-dans-le-bugey-au.html
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Jean Aubert : Historique de la navigation sur le haut Rhône français :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoca_1164-6268_1939_num_15_1_6559