Le revenu de base, un outil indispensable pour une transition

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Les journées d’été du revenu de base se sont déroulées cet été à Poisy près d’Annecy du 19 au 22 Août 2015. Elles ont été une occasion de remettre sur la table l’idée d’un revenu de base universel et inconditionnel comme un élément indispensable de la sortie de la crise du capitalisme telle que nous la vivons aujourd’hui avec les conséquences sociales et environnementales que nous connaissons.

Précisons cette idée de revenu de base :  c’est un revenu accordé à tous les individus pendant toute la vie et de manière inconditionnelle. Ce revenu doit être suffisant pour permettre à l’individu, si il le désire de vivre sans travailler. (lien)

Cette idée qui paraissait encore utopique il y a quelques années devient maintenant une solution incontournable pour palier aux défis économiques et environnementaux que nous rencontrons désormais  ; défis environnementaux qui vont s’amplifier dans les années à venir!

Marina Chélépine et Stéphanie Turpaud du groupe local Ain-Savoie discutant avec Jean Eric Hyafil à propos du livre blanc du revenu de base lors des journée d'été 2015
Marina Chélépine et Stéphanie Turpaud du groupe local Ain-Savoie discutant avec Jean Eric Hyafil à propos du livre blanc du revenu de base lors des journées d’été 2015

En effet, notre économie est basée sur l’idée d’une croissance économique perpétuelle. Cette croissance a pour but de créer des nouveaux emplois pour palier ceux qui ont été détruits par le développement de la mécanisation, de la robotique et par internet.

Cependant, ce schéma ne fonctionne plus depuis quelques années à cause de deux facteurs. Premièrement la croissance n’est pas suffisante pour absorber les emplois détruits par l’augmentation de la mécanisation.  En effet, une croissance de 1,7% est nécessaire pour remplacer les emplois détruits alors qu’on attend péniblement un taux de 0,1 à 0,7%.(lien)

Il faut bien comprendre que tout est mis en œuvre pour développer  cette croissance. Les lois environnementales restrictives ont été bannis aussi bien par les gouvernement de droite que ceux du gouvernement Hollande. Et là, on est en  face d’un autre problème : celui là environnemental avec non seulement le médiatique réchauffement climatique, mais aussi tous les autres problèmes que je ne décrirai pas, mais dont la conséquence à plus ou moins court terme sera une épidémie de cancer et autres maladies (qui a déjà commencé).

Deuxièmement, nous assistons aussi au développement d’une robotisation bon marché avec une arrivée de nouvelles machines et de nouveaux robots remplaçant de plus en plus d’employés. Ce phénomène est aisément vérifiable si on regarde les péages d’autoroute ou si on va dans quelques chaines de magasins de sport ou d’alimentation rapide. Les machines sont de plus en plus nombreuses chaque année. Avec des chiffres d’affaire qui grosso-modo stagnent, la robotisation est une façon d’augmenter la rentabilité de ces enseignes en baissant la charge de personnel. N’oublions pas qu’une machine peut travailler tous les jours, qu’elle n’a pas besoin de se reposer, qu’elle n’a pas besoin de pause, qu’elle n’a pas de charge pour sa retraite, sa maladie et son chômage. Elle n’a aussi pas de revendication salariale et n’est pas syndiquée. En plus, son coût est seulement calculé dans son amortissement ce qui fait qu’ auprès des actionnaires, c’est plus facile de mettre un budget dans les machines plutôt que dans le personnel même si quelquefois ces machines sont encore cher (cependant le cout des robots baisse). Les médias ont en effet diabolisé les coûts de personnel.Cela a évidemment des conséquences sur la vie des gens puisque jusqu’à maintenant, nous sommes obligés de travailler pour se nourrir (le revenu de base n’est pas encore mis en place).

Mal être au travail, travail inutile ..le schisme entre le travail rémunéré et l’activité utile .

Ces conséquences sont de deux ordres : une casse du social et des droits du travail puis un mal être généralisé au travail (on est de moins en moins indispensable …).
Cela est renforcé par l’idéologie judéo-chrétienne dans laquelle nous sommes baignés : « Qui ne travail pas ne mérite pas de manger «  (St Paul) idéologie qui stigmatise tout « ‘inaction » en jugeant les   « chômeurs » et  en les  culpabilisant systématiquement. Cela met évidemment de coté toutes les activités bénévoles ou pas assez rentables pour assurer un salaire indifféremment de leur utilité ou pas.

Cela nous fait rebondir sur l’utilité de certains emplois. Le sociologue et anthropologue  David Graeber avait pointé justement dans son article « Bullshit jobs » le nombre d’emplois dans le tertiaire qui ne servaient à rien (lien). De leur coté, la coordination contre le Lyon Turin et le mouvement no tav en Italie se sont aperçu de l’inutilité de grandes infrastructures que l’on construisait ou qui était construite. Cela a abouti à la création du « forum contre les grands projets inutiles » qui recensent   chaque années de plus en plus de projets inutiles. (lien)

Si on prend l’exemple de l’aéroport notre dame des Landes, les opposants au projets ont non seulement mis en avant l’inutilité du projet mais aussi les conséquences néfastes de ce projet sur l’environnement. Les opposants aux grands projets inutiles ont aussi démontré que l’argument des emplois créés était annihilé du fait de l’utilisation de plus en plus systématique d’outils et de machines remplaçant la main d’œuvre humaine et en parallèle une main d’œuvre extra-européenne qui n’a aucune protection sociale. De ce fait, il n’est pas étonnant que les prévisions d’emploi étaient divisées par 10  par rapport à ce qui était annoncé par les promoteurs de ces chantiers.

Il est aussi important de mentionner le secteur du bâtiment dont le but ultime est la spéculation. Spéculation qui ne l’oublions pas à conduit à une offre trop importante et à la crise des subprimes (je le fais court). Cependant cette offre importante n’a pas résolu le problème du mal logement ou du logement social ; au contraire, à chaque plan de réhabilitation de logements sociaux (destruction de barres d’immeubles et construction de plus petits modules avec un standing supérieur), on s’est aperçu que la classe la plus pauvre se trouvait exclu, donc perdait son logement et venait gonfler ceux qui n’arrivent pas à se loger décemment.

N’oublions pas que l’immobilier est aussi responsable de la perte et destruction d’une grande partie des terres agricoles et naturelles et que cette destruction ne se justifie donc pas.

Donc nous voyons que l’association travail rémunéré et activité utile est loin d’être automatique. Que celui qui reste chez lui peut être infiniment plus « utile » à la fois à la société, à l’économie et à l’environnement que celui qui fait un des travails rémunérés inutiles cités précédemment.

Cela nous amène à la question suivante : quel est le but d’augmenter le PIB ? celui de créer de nouveaux travaux mais pour quoi faire ? Le PIB comme indicateur est lui-même sujet à des contestations. Comme le dit Pierre Rhabi, « polluer une rivière pour qu’une entreprise la nettoie ensuite va augmenter le PIB », pourtant le résultat est nul(voir négatif car on ne dépollue pas définitivement un site). Le PIB n’a aussi aucun rapport avec notre bonheur. On peut mesurer celui-ci avec la quantité de drogue qui est consommée chaque année par la population, qu’elle soit légale (alcool, cigarettes, antidépresseurs, somnifères, etc…) ou illégale. La société centrée autour de cette valeur travail est donc triste et dépressive.(lien)

Le revenu de base permet donc de penser une autre société où l’activité est déconnectée de l’actuelle valeur Travail mortifère. Même dans le cas ou le revenu de base est associé au travail, il permet un meilleurs rapport de force du salarié et renforce sa confiance donc son épanouissement.

Déconnecter le revenu de l’activité permet aussi de changer la nature et la forme des projets. Actuellement, plus un projet est cher, plus on gagne de l’argent. Je prends par exemple un projet de parc paysager. Il est évident pour l’architecte comme pour l’entrepreneur que plus il y aura des travaux à faire (mur de soutènement, bétons, terre déplacée, mobiliers urbains), plus le projet sera vendu cher, plus ceux-ci gagneront de l’argent. Un projet simple de tiers paysage (lien) ou de jardin en mouvement (lien) sans l’utilisation  de la pelleteuse, sans l’utilisation de bétons, en utilisant la flore endémique et sans mouvement de terre entraine l’architecte et plus encore l’entrepreneur à être pauvre. Pourtant ce dernier projet est bien plus écologique que le premier. Il est moins gourmant en CO2, en énergie grise ; il respecte la flore naturelle beaucoup plus riche en insectes auxiliaires et respecte les écosystèmes en place. Et c’est un exemple parmi d’autres.

Une transition de la société passera donc par la mise en place d’un revenu de base qui déconnectera le revenu de l’activité. Il permettra une décroissance souhaitable de ce que j’appelle » l’économie de l’inutile » tout en protégeant  ceux qui n’auront plus d’activité lucrative.

Quelles sont les « activités utiles » non lucratives qui vont se développer? Pour cela je fais confiance à votre imagination. Je donne cependant deux pistes : Les personnes qui ont développé la permaculture ont elles été des salariés des entreprises agro alimentaires ou phytosanitaires comme Monsantos et compagnie ? Est ce que les « trouveurs » qui ont développé les énergies renouvelables l’on fait pour le lucre ou l’ont il fait pour démontrer qu’il y avait une alternative au nucléaire ?

« le revenu de base c’est la marche suivante dans la lutte pour une meilleurs équité sociale »

A ceux qui pensent toujours que la mise en œuvre d’un revenu de base est utopiste je les renvoie à ce qui existe déjà (acquis sociaux) et aussi à l’histoire. Nous ne partons pas de rien puisque nous bénéficions déjà d’un matelas de protection sociale avec tout un panel d’allocations (chômage, vieillesse, maladie, etc) et que le chemin à parcourir n’est pas si grand que cela (techniquement et financièrement bien sûr). La difficulté n’est donc pas technique mais culturelle. L‘histoire nous montre que la mise en place de droits sociaux n’a pas été conditionné à une prospérité économique. Les congés payés ont été mis en place pendant la crise économique qui a succédé au crack boursier de 1929 et la sécurité sociale, elle, a vu le jour après la deuxième guerre mondiale alors que la France était à genou économiquement parlant.

Donc loin d’être une utopie, le revenu de base en plus d’être un outil face au défis économiques et environnementaux qui nous attendent, il est aussi la marche suivante dans la lutte pour une meilleure équité sociale

Emmanuel Coux

L'atelier sur la votoation Suisse qui va avoir lieu en 2016 proposé par le groupe local de Genève lors des journées d'été du revenu de base à Annecy
L’atelier sur la votoation Suisse qui va avoir lieu en 2016 proposé par le groupe local de Genève lors des journées d’été du revenu de base à Annecy

 

 

4 commentaires sur « Le revenu de base, un outil indispensable pour une transition »

  1. Bonsoir
    Si je suis bien votre raisonnement sur l’inutilité voire la nuisance de certaines activité lucratives, je ne comprends par contre pas d’où viendrait l’argent pour verser ce revenu de base!
    Il est dommage que vous ne développiez pas mieux cette partie puisqu’il s’agit des solutions. Quelqu’un est payé à ne pas travailler à l’extérieur mais fait de autoconstruction de sa maison tout en percevant ce revenu. Bien. d’où vient l’argent? Comment paye-t’il les matériaux?

    1. Bonjour, je vous remercie pour l’attention que vous portez à la transition et au revenu de base. Le financement est une des interrogations qui revient le plus souvent en ce qui concerne le revenu de base. Elle intervient aussi fréquemment en ce qui concerne les différentes prestations sociales. Cependant peu de monde se soucie du financement en ce qui concerne les guerres (en Afghanistan, au mali par exemple), mais aussi toutes les infrastructures inutiles que l’on construit.

      Tous cela pour dire que la mise en place d’un revenu de base qui est une allocation est un acte politique. Dans l’état français, l’impôt qu’il soit direct ou indirect n’est pas affecté automatiquement à tel ou tel poste. Il est affecté à un pot commun si on peut dire. Ensuite le gouvernement se réunit et décide d’attribuer à chaque ministère une somme d’argent.

      Donc les schémas prévisionnelles qui prévoit l’accroissement du budget de l’état par tels ou tels mesures n’auront en effet comme réalité que d’augmenter le budget de l’état. La décision de verser une somme pour le revenu de base (et son montant) revenant au seul gouvernement.

      Pour ceux qui veulent être rassuré quand à la possibilité de financement d’un revenu de base, Il peuvent déjà soit voir comment augmenter les recettes de l’état si ils ne veulent pas toucher aux montant des postes existant (CICE, armée, etc..) ou faire des hypothèse sur ce qu’on pourrait baisser dans le montant des postes existants pour les rediriger vers un poste « revenu de base ». Sans faire de grandes hypothèses, il est évident que les montants d’aides au retour à l’emploi, le CICE (ou du moins une partie), les compensations financières au département pour le RSA et d’autres allocations (ou une partie de ces allocations), une partie des retraites, du financement de diverses administrations et d’autres que je n’ai pas en tête en ce moment mais qui sont évidentes seront redirigés pour financer une partie du revenu de base.

      Evidemment les partisans du revenu de base ont imaginé des tas de solutions pour le financer selon leur sensibilité (par exemple taxe sur les produits les plus polluants pour les écologistes, impots indirecte pour les libéraux, taxe sur les machines et robots qui vont remplacer (ou qui remplace déjà les humains, impots sur les grandes fortunes pour les non libéraux, etc…). Il est aussi important d’évoquer la création monétaire.

      Le revenu de base est un sujet complet au niveau économique. Il est vrai qu’un article est succinct et on pourrait développer un chapitre voir un livre sur chaque expression qui a été décrite ci-dessus. Car ce qui influe aussi sur son financement, c’est aussi le montant du revenu de base. Il oscille selon les sensibilités de ses partisans entre 480 euros et 2000 euros. Pour ceux qui sont de tendance verte et/ou décroissant, il serait entre 600 et 950 euros (seuil de pauvreté) (cependant le revenu de base à 600 euros serait complété par des gratuités -minimum eau, électicité, transport publique, voir logement)

      Ce qu’il faut retenir, c’est que le financement est réservé à Bercy et que le choix du revenu de base est un acte politique (comme l’a été les congés payés ou les autres allocations qui nous semblent naturelles). Pour en savoir plus, beaucoup on écrit des livres sur le sujet comme Baptiste Mylondo, Vincent Liéger, Bernard Friot (même si il l’appelle salaire à vie).

      Pour le seul financement, (qui préoccupe beaucoup les libéraux), on le doit à des libéraux comme Milton friedman avec l’impot négatif
      mais aussi avec Marc de Basquiat (avec son association et think thank AIRE)
      ou création monétaire
      Le revenu de base est un vaste sujet : si vous voulez en savoir plus : Revenu de base.info

      1. En effet un certain nombre de personnes touche déjà un revenu minimal, RSA, ASS, minimum vieillesse, AAH, IJSS, bourses étudiantes…
        Le financement vient des cotisations sociales (à travers le travail) ou des impots (de personnes/sociétés qui perçoivent suffisamment de revenus). On mutualise tout cela pour verser aux personnes dans l’incapacité de travailler à priori temporairement ou dorénavant (retraites).
        PLus il y a de personnes qui touchent le revenu de base, plus la charge repose sur les autres(particuliers/entreprises) non?
        Donc il faut augmenter leur contribution?
        Et donc les personnes qui en ont assez hop s’arrêtent de travailler pour toucher le revenu de base et bénéficier des gratuités liées?
        Ou bien faut-il que la France vende encore plus d’armes pour générer des impots sur les plus values. Mais mince qui fabrique les armes, sinon des personnes qui travaillent. Plus généralement les entreprises produisent par la biais du travail de certains que je sache.
        Je ne suis toujours pas???

      2. Bonjour,

        En effet, comme vous le soulignez, une partie du revenu de base est déjà financé par un transfert des allocations existantes. Le financement vient essentiellement des cotisations sociales. Hors le calcul s’est fait sur la base d’un chômage très bas. L’améliorations des processus de productivité grâce aussi à l’amélioration technologique (machinisme, robotique, informatique, internet) fait qu’il est de plus en plus difficile de créer de nouveaux postes de travail pour ceux qui se retrouve au chômage à cause de cette amélioration. Ils sont remplacés par des machines.

        C’est pourquoi, le graal pour les productivistes est la croissance économique coute que coute. Le chiffre a été calculé par les économistes qui parlent de 1,5/1,7% de croissance du PIB. Ce chiffre est quasiment impossible à atteindre de nos jours (même si nous avons eu 1,1%, ce qui correspond à une conjoncture très favorable – la croissance sans l’euro fort et la baisse du pétrole est en réalité de 0,3%). Donc, le nombre de chômeurs est obligatoirement appelé à augmenter et de manière forte.

        Pourtant, cette croissance pas assez forte ne veut pas dire qu’il n’y a pas de bénéfice et de rentabilité. La rentabilité des grands groupes n’a jamais été aussi forte de même pour la rentabilité des PME . Donc il y a de l’argent et même énormément d’argent. Le reversement ne s’est pas simplement fait sur la masse salariale, mais sur le capital, propriétaire des machines, robots, logiciels, sites ….

        Donc, vu ce topos, il faut envisager un financement en plus des cotisations sociales, auprès des propriétaires des Machines, robots, etc autrement dit vers ce qu’on appelle communément le capitale.

        Pour les départs volontaires, je ne pense pas qu’il ait foule. Il suffit de voir les sondages qui ont été pratiqué qui montre que 80% des personnes veulent continuer à travailler. D’autre part, cela aussi fait penser au débat qu’il y a eu lors de la mise en place du RMI…

        Enfin, pour finir, il faut aussi se poser la question sur les conséquences de la croissance et donc du travail sur l’environnement. Et cela devient critique et nous oblige à revoir le système en entier. Le revenu de base en est un solution douce.

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